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Légende de Toluki:


Au plus obscur de la forêt,

Vivait la bête massacrante,

Gorgée de ripailles sanglantes,

Qui dévorait les égarés.


Rôdant au fond des noirs bosquets

Elle poursuivait les plus hardis,

Se repaissait des gringalets

Des gros, des riches, des démunis.


Parmi tous nos grands preux et nos traineurs d’épées

Il n’en était pas un pour braver la forêt,

Fors un fier chevalier venu de Toluki

Qui s’en vint au grand trot, avec l’épée brandie.


Et Tomas Wanderer, faisant fi de sa mère,

Car tout jeune qu’il était jamais rien n’écoutait,

Enfourcha son balai et brandit sa rapière

Et s’en alla, marquant le pas, tête levée,

Grand seigneur en route pour la guerre.


L’idiot au nez morveux près du pont gambadait

En riant aux éclats voulut le mettre en garde.

« Chez la Bête Carnassière ne t’en va fricoter

Car cette créature ne craint pas ton écharde. »

Mais comme c’était l’idiot, personne ne l’écoutait.

Tomas piqua des deux sur son beau destrier.


Tomas le jouvenceau tourna autour du chêne,

Puis il s’aventura plus loin en ses domaines.

Tailladant buissons noirs et lianes sanguinaires,

Il sortit son mâchon et s’installa par terre.


Un bûcheron qui passait le trouva assis là.

En le voyant ainsi, il luit mis trois soufflets.

« Traîne ici à la nuit et ta mort tu verras ! »

Puis d’un coup de bâton lui tanna le fessier

Et sans plus de façons à sa mère l’envoya.

Mais Tomas l’entêté refusa de rentrer.


Progressant fermement au travers des halliers

Sous le soleil de sang et la lune de nacre

Il arriva soudain à la grotte des massacres

Et s’avança fièrement, repoussant les ronciers.


Devant lui se tenait la bête malveillante,

A la tête cornue, hérissé et sanglante,

Et Tomas le fougueux, sans peur et sans regret,

Comme tout bon chevalier à la tombe promis,

Bien campé sur ses jambes lui lança son défi.

Le monstre, d’un revers, à terre le fit rouler.


« Qui te rend si hardi toi qui es sans toison ?

Ta mère n’a-t-elle point fait ton éducation ? »

« Montjoie ! cria Tomas, par les dieux et mon droit ! »

Et il chargea la bête, bramant à pleine voix.


« J’engloutirai ta chair et je broierai tes os,

J’envahira vos terres, je brulerai vos chaumières.

Ma fureur déchaînée par l’insolent marmot

Tombera sans pitié sur ceux qui raillèrent.

Ceux qui sont fourvoyés doivent craindre mes semblables

Qui leur feront connaître un sort épouvantable ! »


C’est ainsi que Tomas Wanderer disparut,

Qui n’avais jamais fait sa part de bien non plus.

Alors souvenez-vous de Tomas l’égaré

Et n’allez pas vaguer dans les sombres forêts.